La présentation de Fatiah Cherfouh (IHD) aura pour thème : « Avers et revers de la neutralité des juristes » ; cette présentation sera discutée par Rachel Vaneuville (CNRS, UMR Triangle).

Le Jeudi 16 mai 2019

Organisateurs :

– Mme Fatiha CHERFOUH, Université Paris Descartes, Institut d’Histoire du Droit

 M. Guillaume RICHARD, Université Paris Descartes, Institut d’Histoire du Droit

– M. Lionel ZEVOUNOU, Université Paris Nanterre, Centre de théorie et d’analyse du droit


La quatrième séance du séminaire sur la neutralité des juristes se déroulera le jeudi 28 mars 2019 à l’Université Paris Nanterre . La présentation de Fatiah Cherfouh (IHD) aura pour thème : « Avers et revers de la neutralité des juristes » ; cette présentation sera discutée par Rachel Vaneuville (CNRS, UMR Triangle).

 Le jeudi 16 mai 2019, Université Paris Nanterre, M. Guillaume RICHARD, Université Paris Descartes, Quelle science juridique d’après les comptes rendus de la Revue de droit public (1894-1940) ? ; M. Vincent RÉVEILLÈRE, Université Paris Nanterre, Prendre au sérieux les pratiques des juristes : l’anthropologie d’Annelise Riles

Argument :

Lorsqu’elle parle de dogmatique, la théorie analytique du droit développée en France renvoie à un discours dont la caractéristique est de ne pas distinguer les points de vue descriptifs et normatifs. De nombreux travaux ont, dans ce sillage, cherché à montrer que la doctrine contemporaine était, à bien des égards, un discours de pouvoir, voire un discours au service du pouvoir. Le séminaire entend discuter une hypothèse différente. Il cherchera à comprendre de quelle manière le style doctrinal contemporain s’est institué dès la fin du xixe siècle, non pas en se fondant sur un quelconque critère théorique d’identification du discours dogmatique, mais en se pensant toujours lui-même comme un savoir, sans nécessairement avoir besoin de recourir à la distinction entre « dogmatique » et « science du droit », ni entre science du droit et droit. La théorie analytique du droit ne peut prétendre détenir le monopole de la représentation de la science du droit et il conviendra de dresser le panorama des différentes manières de se représenter une telle « science du droit », telle qu’elle est invoquée dans le discours juridique contemporain depuis le xixe siècle. Au-delà de cette question, il faut penser l’élaboration et la définition des frontières proposées par les juristes pour leur science. 

Plusieurs travaux de philosophie et sociologie des sciences ont souligné l’évolution du concept de « science » à travers les siècles et les contextes. Parmi d’autres, les travaux de Merton, Gieryn ou d’autres ont démontré le caractère mouvant des frontières entre science et non-science. Les perspectives ouvertes par Michel Foucault ont également souligné combien la science se détachait et s’autonomisait à partir d’un substrat plus large, en fixant des critères d’inclusion et d’exclusion qui déterminent le discours scientifique admissible et la définition de la « science » dans un contexte donné. Les conceptions développées par Bruno Latour ont également orienté le regard sur les procédures suivies par les scientifiques et qui construisent la légitimité scientifique de telle ou telle pratique ou au contraire l’excluent du champ scientifique. Il ne faut pas, méthodologiquement, concevoir la science comme un savoir homogène reposant sur un critère sublimé (falsification, correspondance empirique, etc.) faisant la part entre le monde de la science et celui de la non-science, mais s’attacher au contraire à analyser les conditions de fixation de ces critères à un moment donné, à partir des pratiques mêmes des scientifiques ou de ceux qui se revendiquent comme tels. 

Cette perspective permet de relier la manière dont les juristes ont ressenti le besoin de définir leur discipline selon un certain « modèle » de science, qui a influencé la manière de faire la doctrine. Le point de départ sera une analyse de la notion de neutralité du discours juridique, souvent mise en avant dans le discours juridique contemporain, soit pour considérer que la dogmatique juridique se doit de développer un discours distinct du discours politique et appuyé sur des considérations rationnelles ou scientifiques, soit pour reprocher à cette même dogmatique juridique de s’abriter derrière le paravent de la neutralité pour développer un discours éminemment politique. Pourtant, le regard rétrospectif sur la première moitié du xxe siècle montre que l’application de cette catégorie n’y est alors pas aussi simple. Le séminaire se proposera donc de revenir sur l’apparition de cette notion lorsqu’elle est appliquée au discours des juristes, à partir d’une discussion de ce concept largement tributaire dans son emploi des écrits de Max Weber. Le séminaire s’attachera ensuite à plusieurs études de cas portant sur la période contemporaine, afin de tester la pertinence d’appliquer les catégories de classement utilisées par l’épistémologie juridique contemporaine (positivisme, jusnaturalisme, discours prescriptif, etc.) à des périodes plus anciennes, antérieures aux années 1950, et d’analyser la définition de la science juridique et de son autonomie construite par le discours juridique.

Le séminaire, divisé en 5 séances réunira juristes ou historiens du droit, philosophes, sociologues.